Demi Moore, Madonna ou, plus près de nous, Claire Chazal, Amanda Lear
ou Laurence Boccolini… Toutes vivent une relation amoureuse assumée
avec un homme beaucoup plus jeune qu’elles. Et elles ne sont pas les
seules, le nombre de femmes mariées à des hommes de cinq, dix ou quinze
ans leur cadet s’est multiplié ces dernières années. Une enquête de
l’Insee avance le chiffre de 10 % des femmes mariées.
Mais pour certaines, la question reste taboue : “Je n’aime pas
m’appesantir là-dessus, reconnaît Samira, j’ai l’impression que cela
pourrait alimenter les cancans à notre égard. J’ai même entendu des
ricanements étouffés à la cérémonie civile quand le maire a énoncé nos
dates de naissance.Pourtant, nos trois ans ne sont pas perceptibles, je
parais même plus jeune que lui, explique-t-elle, encore blessée...
Au départ, d’ailleurs, Lotfi m’a menti sur son âge, pensant à juste
titre que s’il avouait ses 22 ans, je ne m’intéresserais pas à lui. En
fait, je n’avais pas de préjugés sur la différence d’âge, mais je
croyais qu’à 22 ans, on pensait plus au butinage qu’au mariage. Et que
moi, je recherchais un mari, pas un petit ami.”...
C’est devant les préjugés de sa famille que Samira prend conscience
des difficultés à venir : “Mes parents craignaient les réactions de
notre entourage. J’ai compris que si eux réagissaient ainsi, ce n’était
pas gagné du côté de ma belle-famille
La peur du qu'en-dira-t-on:
Une prédiction qui se réalise à son corps défendant. Sa future
belle-mère est catégorique ; ce mariage, s’il est maintenu, se fera sans
sa bénédiction, car elle ne tient pas à être la risée de ses amies. Une
menace qui retarde les préparatifs de la noce et oblige les deux
tourtereaux à patienter une année de plus. “On pensait qu’elle finirait
par entendre raison, surtout que tout le monde louait la maturité de son
fils, sérieux, travailleur, et qu’on disait autant de bien de moi”,
poursuit la jeune femme.
C’est grâce au soutien de son futur beau-père que la situation se
dénouera : “J’avais de bons rapports avec lui, et comme il est très
pieux, il ne cessait de citer l’exemple du prophète Mohammed qui était
bien plus jeune que son épouse Khadija. A ses yeux, c’était un obstacle
futile, surtout que je remplissais tous les autres critères
indispensables : musulmane, maghrébine, sérieuse”, explique-t-elle.
Les clichés de la femme mûre et de son “toy-boy” – comprendre
homme-jouet – seraient-ils encore d’actualité ? Oui, à en croire Linda
qui en a fait l’expérience dans sa famille : “Quand ma mère s’est
remariée avec un homme de trente ans de moins qu’elle et sans emploi,
tout le monde – et moi la première – avons cru que c’était son compte
bancaire qui l’intéressait. Nous le lui avons dit de manière très
maladroite, ce qui a jeté un énorme froid : je ne me suis même pas
déplacée pour assister au mariage. Cinq ans plus tard, ils sont toujours
ensemble ! On se sent tous très bêtes, et moi je m’en veux d’avoir
failli être un obstacle à son bonheur.”
Et si c’était un gigolo ?
Une différence de traitement qui n’étonne pas le psychiatre Patrick
Lemoine, auteur de Séduire : “Quand des hommes comme Picasso ou Belmondo
font un enfant à 70 ans, personne ne trouve à redire... Mais quand une
femme ose s’afficher avec un homme plus jeune, elle s’est forcément payé
un gigolo. La réprobation sociale est encore très forte.”
Une
suspicion qui va également peser sur le mariage de Karima. Cette
brillante étudiante en finances croise son futur époux à l’université
Paris-Dauphine.
Elle est en fin de cycle, il commence le sien, mais qu’importe, leurs
origines tunisiennes communes les attirent l’un vers l’autre. D’abord
amis, puis de plus en plus proches, elle finit par accepter sa demande
en mariage en dépit des mises en garde répétées d’âmes charitables qui
ne manquent pas de lui rappeler le statut précaire de Samir, étudiant
étranger venu terminer ses études en France : “C’était sans cesse des
questions blessantes : ‘tu es sûre qu’il ne se marie pas pour obtenir
ses papiers ? Qui te dit qu’il n’a pas une petite amie qui l’attend
là-bas qu’il fera venir une fois divorcé ?’ Il était inconcevable pour
mon entourage que nous puissions juste être amoureux. Je me sentais un
laideron incapable d’inspirer de l’amour à un homme.”
Mais le plus dur pour la jeune femme fut d’affronter les réticences
de sa famille : “Mes parents avaient peur qu’il cherche à m’utiliser.
Mon père a eu une explication très franche avec lui. On est restés
fiancés deux ans avant de franchir le pas. Pendant ce temps, il a su
apprivoiser mes parents qui aujourd’hui l’adorent. C’est réellement
devenu le quatrième fils de la famille. Puis l’arrivée de nos deux
enfants a fait taire les dernières mauvaises langues.”
“L’ordre naturel” invoqué:
“Koulchi bel mektoub, on ne peut pas décider à l’avance d’aimer une
personne et quand cela arrive, on devrait se moquer de son âge. Ce qui
compte, c’est sa personnalité. Moi, ma fiancée est plus âgée que moi de
trois ans, et cela ne nous pose aucun -problème”, explique Medhi sur un
forum communautaire dans une dis--cus-sion dédiée “aux femmes plus âgées
que leurs maris”.
“Il y a différence d’âge et différence d’âge, lui répondent en
substance d’autres internautes. Tu pourrais écrire la même chose si elle
avait quinze ans de plus ?”, lui lance, provocateur, l’un d’eux. Plus
déroutant, une femme n’hésite pas à lui déclarer : “Ce n’est pas dans
l’ordre naturel des choses, tu le sais bien !”
Des arguments qui ont eu raison de l’idylle de Nadia et Hassan :
“Nous nous sommes rencontrés par des amis communs. J’avais presque dix
ans de plus que lui", raconte Nadia. "Très vite, on s’est fréquentés.
Les premiers mois, on ne s’est pas posé de questions. Je fais assez
jeune dans ma manière d’être, de m’habiller.
Puis, au fur et à mesure, les différences sont devenues
insupportables au quotidien. J’étais indépendante, il vivait chez ses
parents, j’avais un emploi stable avec des responsabilités, il était en
fin d’études ! Bref, nous n’avions pas le même timing. Malgré les
sentiments forts qui nous unissaient, j’ai compris que cette différence
d’âge était insurmontable. A 34 ans, je ne pouvais pas me permettre de
me tromper !”
La procréation au cœur des préjugés:
Pour Patrick Lemoine, “une chose est sûre, la pression sociale n’est
pas la même quand l’homme est plus vieux et quand c’est l’inverse. Dans
notre société, le boulot principal de la femme, c’est de porter des
enfants, celui de l’homme, c’est d’avoir de bons gènes. Lui peut donc
faire ‘ce qu’on attend de lui’ à tout âge, mais pas elle.
L’homme plus âgé que la femme prouve qu’il a vécu, qu’il est
résistant, donc personne ne voit de problème à ce qu’il fréquente une
jeunette. La femme plus âgée que l’homme, elle, renvoie une image
négative à cause de la ménopause car, aux yeux de la société, elle ne
peut plus assurer son ‘travail’ correctement. C’est pour cela que la
relation d’une femme plus âgée avec un homme plus jeune est mal perçue.
Dans toutes les cultures traditionnelles la femme ménopausée doit cesser
toute relation et arrêter de séduire.”
Pourtant, lentement mais sûrement, les mœurs évoluent. Ce n’est pas
sans rapports avec la nouvelle condition physique des femmes. Elles
paraissent plus jeunes que leur âge et font généralement attention à
elles.
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